User Generated Applications : utopie ou réalité ?

Même si le web 2.0 n’a pas inventé les réseaux sociaux, il a permis de généraliser la notion de User Generated Content, c’est-à-dire la création et la gestion du contenu par les utilisateurs. Tous les services « à la sauce web 2.0 » fonctionnent sur ce principe (à commencer par les blogs).

Et après ? Va t-on s’arrêter en si bon chemin ? Que peut-on apporter de plus à l’utilisateur ? Christian Fauré nous en donne la réponse : les User Generated Applications. A priori, son billet peut semer le doute (il date du 1er avril), et pourtant il ne manque ni de pertinence, ni de justesse.

Une réalité, soutenue par la demande des particuliers

« Les User Generated Applications ? Nous n’y sommes pas encore ! » Détrompez-vous : elles sont déjà là !

Un des meilleurs exemples est sans doute Yahoo! Pipes. Ce service permet de créer son propre agrégateur à partir de flux d’informations choisis, filtrés et manipulés. Pour cela, une interface graphique simple mais puissante permet de définir les règles de sélection et de traitements des flux.

Yahoo! Pipes - Accueil
Page d’accueil Yahoo! Pipes.
Yahoo! Pipes - Editor
Yahoo! Pipes Editor.

Ning est un service tout aussi intéressant. Il se définit comme « un service pour créer vos propres réseaux sociaux ». Certains y verront une plate-forme de blogs améliorée, alors qu’il s’agit bien de concevoir sa propre application de diffusion et de partage de contenu. Du User Generated Content servi par une User Generated Application, en quelque sorte.

Ning - Acceuil
Ning, page d’accueil.
Ning - IHM
Ning, interface de création.

Pour achever de vous convaincre, il me reste à citer Coghead. Là, nous touchons à la personnalisation ultime pour un résultat qui sort totalement des services web classiques. Coghead crée des applications complexes, à partir de données structurées par l’utilisateur, via une interface graphique.

Coghead
Interface de Coghead.

La difficulté d’une implémentation en entreprise

S’il est facile de faire du « cousu main » pour les particuliers, l’exercice est tout autre en entreprise. Christian Fauré nous dresse le tableau idyllique :

Personne n’aurait vraiment la même application, la notion même d’application deviendrait floue. Chacun créerait aisément ses propres services, au besoin en utilisant une librairie de composants génériques.

[…]

Le métier change ? Hop, je m’adapte immédiatement en modifiant mes services paramétrés. Pas besoin d’attendre le déploiement de la nouvelle version d’un progiciel.

[…]

Ce que cela change : – plus de notion de processus métiers, ni de re-engineering : chacun outille son processus – le management du SI se concentre sur l’architecture de l’information, l’interopérabilité et la sémantique des données. – plus de MOE et de MOA, on arrête de travailler comme si l’on construisait un bâtiment (ouf!)

Et sa contrepartie :

Cela suppose une plus grande sensibilité et maturité des salariés dans la maîtrise de l’informatique. Cette sensibilité et cette éducation ne peut être assumée par l’entreprise seule. L’école elle-même ne pourra assumer ce rôle, ou en tout cas pas tels que les systèmes éducatifs sont actuellement conçus.

[…]

Le malaise des décideurs : ceux dont la fonction consiste à demander des rapports : bye, bye !

[…]

Il faut une population de salariés compétents pour être autonomes.

Les applications générées par les salariés sont-elles utopiques ou une réalité à court terme ? J’opte pour la seconde réponse, à condition de maîtriser la sémantique et l’interopérabilité des informations de l’entreprise. Tout l’enjeu (et les risques !) sont là. Le but est de qualifier le moindre fragment de contenu pour l’exploiter dans des conditions inconnues lors de sa création. Utopique ? Encore une fois, non. Encore une fois, les exemples existent.

Prenons Freebase. Ce projet a pour ambition d’être une base de données géante et universelle, alimentée par ses visiteurs. A priori, rien ne la démarque d’autres services web, sauf qu’ici, chaque information est qualifiée, « sémantisée ». Là où Google tente de comprendre le sens du contenu par des algorithmes évolués, Freebase découpe chaque information en fragments qui ont du sens. Là où Google vous donne une probabilité qu’une page web réponde à votre question, Freebase apportera la réponse exacte, fusse-t-elle unique !

Freebase
Site web de Freebase.

Avec l’explosion des données qualifiées et l’inévitable indigestion qui s’en suivra, l’utilisateur en entreprise devra s’appuyer sur des outils de recherche, de sélection et de visualisation des données, avant de construire sa propre application. A ce titre, je citerai l’étonnant projet Many Eyes d’IBM.

Projet Many Eyes - IBM
Projet Many Eyes d’IBM.

Un séisme pour les acteurs informatiques ?

Je n’entrerai pas dans les détails d’un sujet connexe et sensible (cet article est suffisamment long, je pense…), celui de la génération automatique de codes qui touche directement les professionnels de l’informatique. On reste dans la même logique : accélérer la mise à disposition d’outils informatiques. Avec des conséquences importantes sur l’activité de certaines entreprises.

Les agences web sont les premières touchées. Elles sont souvent gérées par des créatifs qui ont une vision artisanale du développement web. Je n’ai rien contre les artisans talentueux, mais face à un serveur qui crée une application web en 2 minutes à partir d’un fichier UML 2, après avoir effectué des tests unitaires pour rendre l’application « 100% bug free », il devient très difficile de lutter, sauf à utiliser les mêmes méthodes de production et à se démarquer par une réelle créativité (là où l’homme aura toujours sa place).

Ensuite, à qui le tour ? Aux SSII qui facturent le déploiement et la maintenance de solutions applicatives ? Aux éditeurs de logiciels qui vendent des licences poste à poste ?

Pour ma part, je vois plusieurs évolutions importantes :

  • Les projets informatiques se focaliseront sur l’interopérabilité des systèmes d’information (l’open source les y aidera sûrement).
  • La sémantique va jouer un rôle fondamental dans la manipulation et la transformation de l’information.
  • Le développement informatique se concentrera sur la capacité de l’outil à s’adapter, à se personnaliser et à s’autogénérer.
  • La conception centrée utilisateur sera la seule conception possible.
  • Les managers devront intégrer les contraintes liées à l’autonomie des utilisateurs et à la plasticité de leur outil de production.
  • Les éditeurs de logiciels se transformeront en fournisseurs de services (la bataille Google / Microsoft est un bon exemple) ou en spécialistes métiers (comme Adobe, par exemple).
  • Les entreprises de services informatiques devront inventer le « support utilisateur individuel ».
  • La création prendra une place prépondérante et sera enfin facturée, puisqu’elle seule ne pourra être automatisée (enfin, pas à court terme…).
  • Nous utiliserons enfin les outils que nous imaginerons.

Du grain à moudre

Deux articles (en anglais) de CNN Money qui montrent que le sujet est d’actualité :

Pour finir, une excellente vidéo de Nigel Parker (48 minutes, tout de même !) qui reprend ce qui fait le web d’aujourd’hui et ce que seront les services applicatifs de demain :

Commentaires

Raf

Excellent article, je suis d’accord avec toi, le sujet va faire parler de lui dans les années qui viennent. Une remarque tout de même, les User Generated Apllications existent déjà depuis un moment grâce à un outil que je trouve assez génial et qui est tombé un peu dans l’oubli: Microsoft Access. Avec un minimum de prise en main et sans être informaticien, Access permet de développer ses petites applications, de les faire évoluer rapidement et de les diffuser. Seulement Access a un peu oublié d’évoluer et reste une solution propriétaire assez fermée. Sans compter qu’elle n’est pas vraiment orientée WEB. Je prédis un bel avenir à celui qui sortira un équivalent d’Access ouvert, interopérable et basé sur une interface WEB. J’avais regardé avec intérêt Coghead mais je le trouve encore trop limité: pas de moyen de sortir des graphes et surtout c’est une solution hébergée, inacceptable pour les entreprises. Y a encore du boulot!

4 avril 2007, 10h01 · Répondre

Christophe

Ah oui, vu comme ça, on pourrait y mettre Access… et un certain nombre d’autres applications ! Sauf qu’elles ont montré leurs limites, celles que tu mentionnes, plus une qui est rédhibitoire : Access reste une application complexe à personnaliser. Globalement, il s’agit d’outils personnels, et non collaboratifs.

Pour dépasser ces limites, on a donc inventé les applications collaboratives (nous sommes en plein dedans) : intranet, GED, wiki, CMS, CRM, help desk, blogs d’entreprise, etc. Résultat : une consolidation salutaire des données de l’entreprise. Mais là aussi, on atteint des limites. Difficulté de déploiement, d’évolution, de personnalisation, de formation utilisateur…

Les User Generated Applications devraient réunir le meilleur : proposer des briques fonctionnelles adaptées à l’activité de l’entreprise, que l’on manipulent facilement pour augmenter la productivité de son propre travail. La difficulté sera d’apporter suffisamment de souplesse, tout en rendant le système d’information exploitable par tous.

Je suis d’accord avec toi : il y a encore du boulot ! Là où je suis moins d’accord, c’est sur la demande des entreprises : elles veulent des solutions hébergées. Si les conditions de sécurité et de fiabilité sont au rendez-vous, elles apprécient un service qui évite la maintenance applicative, qui externalise les compétences sans rapport avec leur activité et qui passe en charge courante plutôt qu’en immobilisation.

Concernant les interfaces, elles ne seront pas toutes web. Dans la mesure où on contrôle le parc machines, l’installation de moteurs clients riches et adaptés est préférable (avec des technologies telles que XUL, XAML, WPF/E…).

Bon à part ça, on se revoit en mai ? Histoire qu’on discute encore d’idées en tout genre !

4 avril 2007, 15h56 · Répondre

Raf

Ca marche, on se revoit en mai pour discuter de tout ça! D’ailleurs, la dernière fois, tu m’avais parlé d’un site américain sur lequel on peut vendre ses idées, t’aurais encore le lien? Merci.

5 avril 2007, 8h25 · Répondre

Christophe

Oui et non. Je n’arrive pas à retrouver le lien. Mais j’en ai d’autres pour des services de « crowdsourcing » qui ne rémunèrent pas toujours les inventeurs.

CrowdSpirit

Cambrian House

Top Coder

Même Lego s’y est mis !

A bientôt !

5 avril 2007, 11h00 · Répondre

Newtoon

Freebase m’a l’air d’avoir un gros potentiel. Enfin, vue de très loin… (page d’accueil et FAQ).

11 avril 2007, 0h01 · Répondre

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